Dans le noir

Publié le par Olga Skaïa

Nous avons diné dans le Restaurant dans le noir, un concept très intéressant où on mange dans le noir complet et où les serveurs sont aveugles ou très malvoyants. Une expérience très intéressante non seulement parce qu’on ne voit pas ce qu’on mange mais aussi parce qu’on peut avoir des voisins inconnus. Et c’est là la surprise du soir.

En arrivant au resto, on vous propose de choisir un menu et des boissons, mais ce choix est aussi fait à l’aveugle – on ne sait pas ce qu’on va manger.  On vous interroge sur des allergies et intolérances alimentaires, ensuite vous mangez ce qu’on vous sert sans savoir de quoi s’agit-il. A la fin du repas, vous avez droit de voir les photos de ce que vous avez mangé J.  

Dans la salle, on rentre une tablé par une tablé. A la queue leu leu, on arive dans la salle noir, privés de nos objets lumineux, tenant une main sur l’épaule du voisin devant. Puisque nous étions avec Pierre que deux et les tables sont à 4 voire à 6 personnes, on nous a rajouté deux voisins. Et puisque je suis la reine de chance et de coïncidence, nos voisins du soir ont été …. José Garcia et Camille, son assistante. Ils étaient là dans le cadre du travail sur un futur film, où José joue un aveugle. Il a donc commencé à se documenter sur le sujet.

Je pense que lui comme Camille n’ont pas été prêts d’avoir les voisins non plus. Mais voilà dans le noir face à des inconnus, même si un inconnu est célèbre, que fait-on ? On boude dans son coin ? bah non – on parle.

Et là, cela m’a fait penser aux diners caritatifs où tu paies pour un diner avec une célébrité. Maintenant je peux affirmer que j’ai vécu ça. Ce n’est quand même pas évident de parler avec des inconnus. Même si je le pratique au quotidien sur les réseaux sociaux, tout de même sur les réseaux tu peux avoir les idées sur les gouts et les intérêts de l’inconnu. Là, dans le noir tu juges de la ressentie de la personne en face que par les tonalités de sa voix.

Nous avons donc longuement parlé de ce que cela aurait signifié pour chacun de nous de perdre la vue. Nous avons aussi interrogé notre serveuse Ghada qui a perdu la vue qu’à 25 ans à cause d’un glaucome ce que c’était pour elle. Ainsi, elle nous a dévoilé qu’il est donc plus compliqué pour un aveugle à apprendre à lire en braille si la perte de vue est relativement tardive. Un autre aspect - sans notion jour / nuit, on peut avoir des troubles de sommeil puisqu’on ne sait pas si votre réveil nocturne c’est juste la fin d’un rêve ou qu’il est temps de se lever parce que c’est le matin.

Sinon, je me suis amusée avec mes plats – en cherchant s’il me reste encore qqch à manger ou si l’assiette est déjà vide.  Ghada nous a appliqué qq codes pour nous orienter – par exemple la bouteille d’eau plate a été sans bouchon et la bouteille d’eau pétillante a gardé son bouchon.

José a lancé qq vannes, comme avec l’arrivée d’une nouvelle tablé qui passait derrière sa chaise, il « prévenait » de faire attention à la poutre.

Nous avons parlé aussi de l’handicap de manière plus large. Ainsi Pierre a dit que lycée où il travaille est pionnier en matière d’accueil des enfants avec un handicap. Parmi ses élèves il y a une fille avec un polyhandicap moteur et un enfant de la lune. José a dit qu’il est parrain d’une association qui permet aux enfants de la Lune de voler. Il a un brevet de pilote et il a dû reprendre des cours de math pour l’obtenir.

Nous avons aussi essayé de jouer – moi je devais me souvenir d’une chanson en espagnol, et José d’une chanson en ukrainien. Mon « bessame mucho » a été disqualifié étant traité d’une chanson d’Amérique latine (malgré un soutien de Camille). « Que sera sera » était vue comme italienne ? et je me suis rendue puisqu’elle est vraiment plutôt américaine. On s’est arrêté sur Macarena (que José a aussitôt chanté en yahourt inventé). Pour une chanson en ukrainien c’était plus compliqué, José a sorti une phrase en russe d’un de ses films « tu es mignonne, je suis chef d’un kolkhoz », mais nous étions d’accord que ce n’est rien à voir avec les conditions de l’épreuve.
Nous avons passé une soirée étrange mais enrichissante et plutôt agréable.

Maintenant on va attendre la sortie du film (histoire d’un mec, qui, en accident, perd sa vue mais gagnes-en un autre handicap – il dit tout ce qu’il pense. José a évoqué le nom savant du terme, mais je n’ai pas retenu).  

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article