Les poupées russes ? Combien y en a-t-il ?

Publié le par Olga Skaïa

Les poupées russes ? Combien y en a-t-il ? Elles sont innombrables ! Au première vue – un mec comme un mec. Mais tu commences à creuser et voilà que le camarade-chef apparait. Pensivement tu l’observes davantage, et là c’est un taulard aux trois termes. Tu n’as pas de temps de sursauter, quand le taulard se transforme en un soldat, horriblement fatigué de ces derniers quelques siècles. Et seulement après, tu remarqueras que dans le soldat, comme dans un coffre, un jeune paysan dort, celui qui a perdu la mémoire. Son arrière-grand-mère a été déport

ée de l’Ukraine en 1940 vers l’Oural, mais il ‘en sait rien. Et dans ce garçon, sous les côtes, à gauche, tu verras un sommeil violet. Là-bas, un pivert picasse, un loriot pleure, un rossignol chante, la demi-lune s’est penchée au-dessus d’un lac. Là-dedans, comme dans une barque jaune le chaton bleu voyage. Il caresse avec une pate ses moustaches argentées et sourit aux étoiles.

Depuis des siècles, chaque bon matin ces âmes poussent sur la face en gueule de bois de la Russie, elles ne contiennent rien, mis à part l’amertume, le vide et le mal aux cheveux. Elles n’ont pratiquement pas de Patrie. Elles en ont été privées il y a une éternité, lors d’une expédition à une guerre parmi les autres. Et on la leur a remplacée par un certificat, où il est écrit noir sur blanc : « ce chevalier est en une permission à jamais, un citoyen de nulle part et un particulier ». Signé « Marechal Un tel ».

Mais voici qu’elles sont de retour. Elles retournent toujours de ces guerres. Elles sortent de la terre, des hôpitaux, des prisons, des sombres passages. En vestes matelassées trouées, avec les armes rouées, elles arrivent dans leur pays natal. Tournant le dos aux questions, sans regarder personne, elles se couchent. En se réveillant, elles ne se souviennent plus de leurs propres décès dans la file de leurs chemins pourpres. Alors, mauvaises et tristes, elles demandent le matin :

-qu’est-ce qui s’est, putain, passé ? Où suis-je ? Que faire et à qui la faute ? – et voilà comme une illumination qui arrive : - Ukraine ! Ukraine est désormais « que faire » et « à qui la faute » et « ce qui s’est passé », sa race ! L’Ukraine – c’est tout ce qui te fait mal sans cesse. Comme la vie, comme ta propre âme que tu avais abandonnée à Ekaterinbourg, Petropavlovsk-Kamtchatski, Saint-Pétersbourg, Nijni-Novgorod ou à Moscou, en partant à sa première guerre. L’Ukraine comme un pardon aux péchés, comme une promesse d’une mort rapide et de la vie éternelle.

Tu as pu gâcher toute ta vie, casser la gueule à ta propre conscience, l’étouffer avec du mauvais alcool, de samogon* et de la première chaine fédérale. Et voilà que soudainement, tu te réveilles un matin gris ouralien et tu vois très clairement par la fenêtre de ta khrostchevka** délabrée le terrain vague froid et gris de ton propre destin.

[….]

Et là, sur la première chaine on montre de nouveau Kiev qu’il faut sauver. Et tu comprends de nouveau – voilà le plus important ! On ne peut rien pour te sauver. C’est clair comme un « pater noster ». Et de toute façon tu peux aller au diable ! Mais il s’avère qu’on peut encore sauver l’Ukraine ! et tu te dis – et beh voilà ! J’ai retrouvé le sens de la vie !"
Долгота дней par Владимир Рафеенко

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article